La requalification : c’est quoi exactement ?

24/09/2025 - Publié par : FiduPress < Retour La requalification : c’est quoi exactement ?

La requalification fiscale désigne une opération par laquelle une administration fiscale (ou, in fine, un juge) remet en cause la nature juridique ou fiscale initialement retenue d’un revenu, pour le classer dans une autre catégorie fiscale, souvent plus lourde.

Par exemple, des revenus immobiliers (souvent soumis à un régime de « revenus immobiliers » plus favorable) peuvent être requalifiés en revenus professionnels. Cela signifie que ce qui n’était pas, à l’origine, imposé comme un « revenu professionnel », peut le devenir — avec des conséquences fiscales (et sociales) potentiellement importantes.

Dans le contexte immobilier, la requalification est souvent redoutée : un investisseur locatif pensant bénéficier d’un régime avantageux peut se voir imposé plus durement si l’administration juge que son activité est de nature professionnelle.

Pourquoi la requalification des loyers immobiliers est un sujet “chaud” en Belgique

En Belgique, les revenus immobiliers bénéficient d’un régime fiscal assez favorable : pour les biens loués à des particuliers à usage d’habitation, l’imposition se base, notamment, sur le revenu cadastral indexé, plus une majoration forfaitaire (par exemple +40 %) dans certains cas.  

Cependant, l’administration fiscale a, ces dernières années, renforcé ses moyens et ses attentes en matière de redressements. En cas de suspicion que l’activité immobilière franchit la frontière de la “gestion de patrimoine privée” pour devenir une “activité professionnelle ou commerciale”, les loyers ou plus-values peuvent être requalifiés en revenus professionnels, taxés à des taux plus élevés.  

Les médias relatent souvent des cas de redressements ou de dossiers de requalification, ce qui alimente la crainte parmi les propriétaires-investisseurs. L’effet est amplifié parce que beaucoup ne disposent pas d’une vision claire des critères que l’administration ou les tribunaux pourraient retenir.

La question centrale devient donc : quels critères permettent à un juge ou à l’administration de requalifier des loyers considérés à tort “non professionnels” en revenus professionnels ?

Le “flou fiscal” : absence de texte clair, place à l’appréciation

Un point fondamental à retenir : il n’existe pas de législation belge claire et exhaustive définissant précisément quels cas mèneront à la requalification d’un revenu immobilier en revenu professionnel. L’absence de critères légaux stricts laisse une marge d’appréciation à l’administration fiscale, aux juges et à la doctrine. Plusieurs éléments de fait sont analysés au cas par cas.

Autrement dit, la “requalification” repose largement sur l’interprétation, la jurisprudence, les indices de fait. Cela crée une insécurité juridique pour le propriétaire-investisseur.

Pour mieux comprendre les “indices” utilisés, nous rapportons ici une liste de critères fréquemment évoqués — parfois dans la doctrine, parfois dans des cas concrets — et qui ont un impact dans les décisions de requalification.

Les 10 critères souvent évoqués pour la requalification des revenus immobiliers

CritèreExplication / pertinence dans la doctrine / pistes de prudence
1. 30 000 €+ de loyers annuelsC’est un seuil “pratique” mentionné dans certains milieux comme un indicateur “fort” de volume d’activité. Mais ce seul seuil n’est pas un critère légal. Il est à manier avec prudence, car ce montant dépend aussi du marché local, du nombre de biens, etc.
2. Beaucoup de biens immobiliers en privé (+ de 5)Le fait de posséder un parc immobilier important (5 biens ou plus) est souvent évoqué comme un indice de professionnalisation. Plusieurs sources conseillent la prudence si on dépasse ce nombre.  
3. Opérations d’achat/revente régulières (≥ 1 fois/an)Si vous achetez et revendez fréquemment, cela peut être considéré comme de la promotion immobilière plutôt que de l’investissement passif.
4. Location saisonnière ou courte durée / colocationLes locations de type “saisonnières”, meublées ou en colocation, sont souvent considérées comme plus “commerciales”, donc pouvant rapprocher l’activité d’un métier que d’un simple investissement.
5. Gestion de conciergerie / servicesSi, en plus de la location, vous fournissez des services (conciergerie, ménage, accueil, etc.), cela peut renforcer l’argument d’une activité “commerciale”.
6. Exécuter soi-même les travaux immobiliersSi vous réalisez personnellement, de façon régulière, des travaux de rénovation, construction, cela peut être interprété comme une activité de nature plus professionnelle que patrimoniale.
7. Le chômage / beaucoup de temps consacréSi vous n’avez pas d’autre activité et que vous investissez une grande partie de votre temps dans la gestion immobilière, cela peut constituer un indice fort.
8. Statut de marchand de biens (à titre privé)Si vous êtes déjà reconnu ou agissez comme marchand de biens, cela peut renforcer la requalification, car cela présume une intention professionnelle.
9. Absence d’autre activité professionnelleSi l’immobilier est votre seule occupation, cela peut amener à conclure que votre “métier” est l’immobilier, plutôt que de simples revenus de patrimoine.
10. Crédits bullet et crédit à 115 %L’usage de financements élevés ou “agressifs” (bullet, dépassement du coût de l’acquisition) peut être considéré comme une stratégie spéculative, donc susceptible de requalification.

Il est essentiel de comprendre que ces critères ne sont pas “automatiques” : cocher plusieurs points ne garantit pas une requalification, mais plus il y a de convergence entre plusieurs critères, plus le risque est grand.

Certains critères sont davantage des indices de fait que des règles absolues. Par exemple, “30 000 € de loyers annuels” est un repère, pas une ligne de loi. C’est l’accumulation de critères (volume, temps, risque, services) qui peut convaincre un juge de la nature “professionnelle” d’une activité.

La jurisprudence locale (région par région, tribunal par tribunal) peut faire varier l’interprétation de ces critères.

Enfin, il est possible d’atténuer certains risques : externaliser certaines tâches (gestion, travaux), limiter les services additionnels, garder un volet “passif” majoritaire, documenter soigneusement les activités de gestion et avoir un activité professionnelle distincte.

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